Je suis en droit de me poser régulièrement la question...
Hier aux environs de midi, je balladais tranquillement ma chienne du côté d’empalot avant de partir bosser. Je m’amusais de la voir se camoufler à merveille dans les feuilles de platanes automnales...
Soudain alors que nous traversons un passage piéton, un chauffard à bord d’une opel astra grise, accompagné par deux blaireaux accélère, manque de m’écraser et klaxonne comme un débile, car nous ne traversons pas suffisamment vite à son goût.
Pas de bol, il prend le feu rouge suivant et a l’occasion alors de nous revoir traverser à l’allure qui nous convient, une fois de plus.
Je ne manque pas au passage de lui jeter un regard noir, signifiant bien que je trouve sa conduite à peu près aussi inadaptée à la situation, que lui et ses deux blaireaux de potes, à la société.
Erreur fatale.
Alors que nous atteignons le trottoir d’en face, le feu passe au vert, j’entends un démarrage en trombe, puis un crissement de pneus, serrage de frein à main, et le voilà qui déboule hors de sa voiture pour me faire profiter de son haleine de chacal alcoolisé, de son teint violacé, de sa dentition pourrie et de son langage fleuri...
“- Oh sale puuuttte! Kesta à me regarder comme asse? Hein sale puute! t’as un problème sale pute? t’as un blème, vient m’en causer, viens là...
- A part toi, je n’ai aucun problème, laisse moi promener mon chien tranquille, dégage.
- Quoi ton chien, sale pute? Quoi? Qu’est-ce que j’en ai à foutre de toi, moi, hein?
- Rien justement alors casse-toi et fous moi la paix abruti.
- Quoi abruti? pour qui tu te prend sale pute? ”
Estimant que c’était déjà aller assez loin, je tourne les talons, il me suit et s’approche de moi, le bras en l’air, menaçant.
Cookie aboit depuis 5 minutes, en courant en cercle autour de lui, ameutant tout le quartier (qui assiste en silence à la scène). Le voyant vraiment menaçant, elle se décide à passer à l’action en attaquant ce type louche qui importune sa maîtresse vénérée.
Elle lui saute dessus à plusieurs reprises, je la rappelle en vain. Ce connard prend son élan, et shoote de toutes ses forces, sous le museau du chien, qui fait un soleil et tombe inanimé 5 mètres plus loin, la gueule grande ouverte.
Je dégoupille instantanément:
- “Qu’est-ce que tu viens de faire espèce de connard, sale petite merde? Pour l’instant j’ai fermé ma gueule, tu l’impressionne pas la sale pute, espèce de connard! Qu’est-ce que t’as fait à mon chien? Connard! Si t’as tué mon chien tu vas manger de la soupe et rouler en fauteuil jusqu’à la fin de tes jours enfoiré, fais moi confiance; moi aussi j’ai ma mafia, connard!”
Je cours en direction de ma chienne inanimée, je l’appelle, je la secoue, je la soulève, elle ne réagit pas.
Je me retourne et ce connard est déjà loin, je n’ai pas réussi à relever la plaque, je me déteste encore de ne pas avoir réussi...
La dame chez le primeur qui rangeait ses étals, est dans tous ses états et me crie “ il vous l’a tué vot’chien! c’est sûr, mon dieu, mon dieu! ”
Je lui demande de ne pas parler de malheur, et où se trouve la clinique véto la plus proche.
Je fonce dans ma rue, jusqu’à ma voiture, le chien inanimé dans les bras, je suis en larme, mais j’entends son cœur, elle a la gueule ouverte, les yeux fermés, mais elle respire...
C’est pas possible, elle n’est pas morte.
Un quart de seconde, j’imagine la vie sans elle, je n’y arrive pas. C’est impossible.
Je ne peux pas décrire le sentiment que je ressens à cet instant précis, un mélange de désarroi, de rage, de souffrance, d’angoisse...
Mon chien est susceptible de mourir d’une minute à l’autre, comme ça pour rien, parce qu’il a pris ma défense contre une raclure de la société, qui ne devrait même pas avoir le droit d’exister.
Ceux qui me connaissent, savent l’attachement sans borne qui me lie à ma chienne.
Sans borne.
Les larmes m’empêchent de voir la route, je roule sans avoir conscience de le faire, je n’ai pas ma ceinture, je ne sais même pas s’il y a eu des feux sur ma route...
Je l’appelle, elle ne bouge pas, allongée sur le siège passager, mais j’entends un râle de douleur.
Dix minutes plus tard, je pousse en transe la porte du cabinet véto, mon chien dans les bras, une assistante véto me reçoit, et tente de comprendre ce que je raconte entre deux sanglots.
Allongée sur la table d’examen, ma chienne ouvre les yeux, elle me regarde.
L’assistante et moi la frictionnons, l’appelons.
Elle bouge. Les babines sont toutes blanches, signe de choc violent.
Elle se lève tant bien que mal. Elle cherche mes mains.
Nous la posons au sol, elle marche, elle me cherche, cherche la sortie, répond quand je l’appelle. Elle va bien.
Elle est choquée, paumée, effrayée mais elle va bien.
L’assistante véto me propose de la garder sous surveillance, pour réagir au plus vite à un trauma crânien, il faudrait que les babines reprennent leur couleur normale.
Je dois être à mon taf dans moins de 40 minutes.
Vu l’état de fébrilité de ma chienne, je pense que l’abandonner chez le véto pour 5 heures serait la pire chose à faire, après ce que nous venions de vivre. Je préfère la garder avec moi pour les 40 minutes restantes.
Avec quelques conseils de l’assistante, je rentre chez moi avec Cookie.
Elle n’est pas gaillarde mais elle va bien, et ne rechigne pas à gober le morceau de Knacky que je lui offre.
Je demande à ma colloc qui termine le boulot plus tôt que moi, de rentrer direct et de me tenir informer de son état.
Elle va bien.
Ma “mafia” confirme. Il lui suffit d’une plaque d’immatriculation pour vérifier si ce type l’ouvrirait autant avec un coup de barre de fer dans la gueule et les clefs de sa caisse merdique au fond du gosier, comme ça pour rien, sans raison, il ne souviendrait même plus de son propre prénom...
Qu’à cela ne tienne, je le retrouverais. Je le jure sur la tête de Cookie.
Je ferais tout pour mettre la main sur lui. Il est forcément du quartier.
J’ai bien sa sale gueule en mémoire tout comme sa caisse.
Si j’ai le malheur de tomber dessus, je lui promets le sale quart d’heure que j’ai passé, au centuple.
Dès la fin de mon travail hier j’ai commencé ma ronde. Pas une voiture grise métallisée ne me sera inconnue dans le coin.
Je suis retournée voir la dame qui travaille chez le primeur.
“- Il est mort vot’chien???
- non mais c’est pas passé loin, ce type nous a agressé sans raison, c’est forcément quelqu’un du quartier, vous avez vu sa plaque? Vous le connaissez?
- ah ben je croyais que vous étiez en couple et que vous vous disputiez...
- ...................................
- j’ai pas fait plus attention que ça, des scènes comme ça j’en vois tous les jours....
- ...................................
- je me suis juste dit : s’en prendre à un chien... quelle violence, quelle cruauté.....
- oui ben justement j’ai besoin de votre aide pour le coincer, une opel corsa ou astra gris clair métallisé, je roderais dans le coin, je le coincerais...
- ben je peux rien vous garantir mais bon...
- .............................Merci.”
Ce matin j’ai encore rodé sur les lieux, j’ai déjà deux plaques qui correspondent...
T’es mort lascar.
Et encore... t’as de la chance, elle va bien.